La signification traditionnelle de Mercure est assez connue pour qu’il ne soit pas utile d’insister. Il est par contre intéressant de voir sur le plan symbolique comment s’articule la dialectique de Mercure avec Vulcain, son complémentaire inverse de la structure planétaire.
Ces deux dieux sont frères. Mercure est celui qui établit les relations : il a des ailes aux pieds, et se pose comme habile, tournant l’obstacle grâce à ses pieds ailés, il n’a pas besoin d’être fort. Mais ces ailes sont le symbole du pouvoir de la coïncidence que détient Mercure. Tandis que Vulcain boite et sa claudication, qui représente la puissance de la discontinuité dans le rapport ou puissance de la distance, fait que Vulcain ne tourne jamais l’obstacle : il l’affronte. Là où Mercure est habile, Vulcain est adroit.
Dans le volcan, dans le centre de la Terre, demeure Vulcain ; c’est là qu’en boitant il fait ses œuvres, c’est là qu’il utilise sa puissance de la dualité qui est une puissance par la distance. Alors que Mercure a la puissance du double, puissance par la coïncidence. Si d’un coup d’aile Mercure peut joindre les choses les plus opposées, d’un coup de pied Vulcain peut trancher les choses les plus proches. Vulcain, à ce moment-là, peut faire intervenir le discontinu là où il y avait le continu et Mercure faire intervenir le continu là où il y avait le discontinu. Mercure est l’intermédiaire entre des opposés et Vulcain le médiateur dans la confusion. C’est par l’eau que Mercure va avec ses ailes, jouer de la continuité parce que ses ailes sont le déplacement dans les eaux célestes. L’eau est une puissance de double tandis que le feu qu’utilise Vulcain est une puissance de dualité. Vulcain s’occupe de la forge et sa claudication a pour signification seconde de montrer que le feu a été discipliné. Au lieu que de pouvoir courir dans les forêts comme un incendie, le feu pour Vulcain est un feu maîtrisé. Pourtant, Vulcain est d’abord passé par l’incendie à la forge, mais il y a eu là un passage du continu au discontinu comme chez le squelette lui aussi claudiquant de l’Arcane XIII du Tarot.
Avec l’eau, on retrouve le problème du narcissisme, analogue quelque part de Mercure, puisque Mercure, quand il se fait sosie, est aussi un narcisse. Mercure est capable de transformer l’autre en même : c’est une version, tandis que Vulcain transforme le même en autre : c’est un thème. Avec le thème, on va du proche au lointain et avec la version on fait juste le contraire. On comprend que Mercure puisse aller du lointain au proche avec ses ailes aux pieds, mais on peut se demander comment Vulcain qui est boiteux peut aller du proche au lointain. Là est toute la différence entre le médiateur et l’intermédiaire. L’intermédiaire peut aller du lointain au proche en parcourant sa distance dans l’instant, tandis que le médiateur tient sa puissance non pas de l’instant mais du lieu. Vulcain a la capacité de transmutation qui consiste à pouvoir agir à distance par le lieu ; tandis que Mercure relie les choses, Vulcain au contraire est capable de réagir. L’intermédiaire est une simple relation et Mercure est une relation dans l’être, et l’être est coïncidence dans le Monde. Mercure se déplace avec les ailes aux pieds de l’être et il peut être sosie par sa vertu de simultanéité. Tandis que Vulcain, lui qui est médiateur, n’a pas du tout la vertu de simultanéité, il a la vertu de succession et la vertu de la distance, c’est-à-dire vertu de l’état et de l’action. Mais son action très exactement devient réaction puisqu’il introduit un élément duel et discontinu là où il y avait un élément continu.
Vulcain est capable de trancher, d’ailleurs Vulcain est aussi le bourreau. Quand Vulcain lie les choses, c’est pour les enchaîner : comme Prométhée. Tandis que lorsque Mercure lie les choses, c’est pour les relier, d’où sa valeur d’intermédiaire. Mercure est capable de vol. Le vol est au meurtre ce que Mercure est à Vulcain. Pris sur un certain plan, les deux seules possibilités des valeurs sont le vol et le meurtre. Le meurtre est distance, distance dans le sens de la dialectique, le vol étant coïncidence dans le sens de la maïeutique. Le vol est du domaine de la passion par rapport à l’état.
Mais si Mercure est bien en rapport avec l’être, il n’est pas en rapport avec l’état parce que l’état est une demeure, tandis que l’être est un Verbe. Mercure est à ce moment-là les jeux de l’être, tandis que Vulcain est la puissance de l’état. Si Mercure est le jeu de l’état par la passion, il est analogue au Bateleur du Tarot. Mercure est capable de faire la relation entre les opposés. Et c’est l’Arcane VI du Tarot, l’Amoureux qui a une valeur analogue à celle de Vulcain. Mercure va passer de l’ampleur à l’intensité en remontant du plan dans l’axe vertical.
En allant de l’axe vertical au plan, on a bien affaire à un jeu, à une détente, à la passion en tant que dénouement de l’état (l’état étant représenté ici par l’axe vertical par rapport à la droite et la gauche ou à l’avant et l’arrière qui sont de l’ordre de l’ampleur). Mercure sait très bien dénouer les choses, alors que Vulcain va partir de la droite et de la gauche, de l’avant et de l’arrière, et être capable d’une confrontation de ces quatre points avec l’axe vertical du haut et du bas.
Vulcain remonte le courant, alors que Mercure le descend, et voilà pourquoi Mercure est habile, il n’affronte jamais la difficulté, il tourne l’obstacle parce qu’il a une capacité de courbe. Alors que Vulcain, qui boite, a toute sa capacité dans l’angle. Vulcain est capable d’affronter toute la difficulté car il est adroit. Cette adresse lui permet la médiation qui part du plan horizontal et qui va à l’axe vertical, passage de l’ampleur à l’intensité. Or, le passage de l’intensité à l’ampleur se fait par les eaux, tandis que le passage de l’ampleur à l’intensité, ça se fait par le feu, et ce feu devient alors la flamme. Vulcain est donc bien initialement ce passage de l’ampleur à l’intensité qui ne peut se faire dans la puissance (et pas dans le feu) que par celui qui représente les flammes.
Dans la mythologie, Vulcain est fils de Junon et de Jupiter en colère, car Jupiter en colère c’est bien le feu de Dieu. On dit aussi que Vulcain est fils de Junon et du vent, le vent est aussi une colère. Chez les Dieux, Vulcain représente le feu, mais pas le feu originel, invisible et statique (feu de l’état) car allant de l’ampleur à l’intensité, il est le feu de la réaction qui va en réaction à l’action du feu sur le monde.
Mercure s’adapte alors que Vulcain transforme. Si bien que Vulcain est capable de remonter vers les origines depuis le terme, tandis que Mercure est celui qui conduit des origines au terme : Mercure est en rapport avec la naissance et Vulcain avec la mort. On retrouve ici le rapport de Vulcain avec le meurtre, car on ne peut être capable de donner la mort que si on est capable de la prendre. Le rapport cette fois-ci entre Mercure et Vulcain est un rapport entre le vol et le meurtre comme entre la naissance et la mort.
Si d’autre part Mercure est au sourire ce que Vulcain est au rire, c’est qu’on peut mourir de rire, pas de sourire. Le rire va de bas en haut, il vient de la profondeur avec un pouvoir de désacralisation du sommeil des Dieux. On voit donc que Vulcain est capable de remonter aux origines en passant par le terme. Mais ce terme est aussi le langage, le Verbe ; et la remontée du Verbe à son origine s’appelle analogie. Vulcain est donc capable de donner à la fois la mort, et de créer la résurrection. Tandis que Mercure n’est capable que de mettre au monde, mais continuellement. On peut dire en cela que Mercure est à Vulcain ce que le règne végétal est au règne animal.
Mercure est capable du jeu, c’est aussi un séducteur, mais il n’a jamais été amoureux, et il n’a pas de chaleur. Au contraire, Vulcain est capable d’amour, parce que l’amour est la condition de la distance. L’amour de Vulcain pour Minerve est d’ailleurs assez remarquable puisque selon une certaine tradition, Vulcain est né des seules œuvres de Junon, et Minerve des seules œuvres de Jupiter. Ce sont les deux enfants d’un même couple mais nés chacun dans une certaine parthénogenèse. Et Vulcain, comme domestication du feu, est amoureux du 3ème état du feu qui est la paix après les combats.
Si Mercure est bien à Vulcain ce que le vol est au meurtre, Mercure est aussi à Vulcain ce que l’inceste est au fratricide. Il y a bien là la puissance dialectique de Vulcain et la maïeutique de Mercure (Mercure est parfois considéré comme le fils de Maïa).
A travers Socrate, le rapport de la maïeutique avec Mercure s’appelle l’ironie. Vulcain, lui, est capable d’humour et même d’humour noir. Par contre, il n’y a pas d’ironie noire et Mercure qui a de l’esprit, bien que dans sa transcendance il aille jusqu’à l’ironie, ne peut pas aller plus haut parce que son mouvement général le pousse à descendre. Capable du rire, Vulcain est aussi capable de faire rire les dieux, puisqu’il amuse toute l’Olympe avec sa propre infortune en liant Vénus, sa femme, et Mars, avec un filet qui les emprisonne et les expose en flagrant délit d’adultère.
Sujet: Théologie - Mercure 
Sam 7 Avr - 15:42
