L'Academie du Net
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

L'Academie du Net

Arts & cultures
 
AccueilPortailGalerieRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le deal à ne pas rater :
ETB Pokémon Fable Nébuleuse : où acheter le coffret dresseur ...
Voir le deal
Le Deal du moment :
Cartes Pokémon : la prochaine extension ...
Voir le deal

 

 Théologie - La Cabale Magique Chrétienne

Aller en bas 
AuteurMessage
Lp Boss
Admin
Admin
Lp Boss


Nombre de messages : 242
Age : 35
Localisation : Manoir de l'Imprononçable...
Date d'inscription : 04/04/2007

Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Empty
MessageSujet: Théologie - La Cabale Magique Chrétienne   Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Icon_minitimeSam 7 Avr - 21:58

Nous allons tenter au travers de ces quelques pages de brosser un tableau synthétique de la Cabale magique - que nous distinguons bien sûr de la Kabbale Pratique hébraïque traditionnelle - dont l’origine remonte, pour les éléments les plus connus, aux auteurs philosophes hermétistes de la Renaissance tels Agrippa, Trithèmes, Marcile Ficin, Pic de la Mirandole et Guillaume Postel, pour ne citer qu’eux.

Il est fréquent, dans le domaine de l’ésotérisme contemporain, d’entendre parler de la Kabbale (ou cabale, terme que nous utiliserons ici afin de la distinguer de la Kabbale purement hébraïque) comme d’un outil, ou d’une base de la doctrine hermétiste. La Cabale, donc, serait la "clé des grands mystères" de la Magie cérémonielle et de l’Art Occulte. Les Papus, Lévi et autres Crowley placèrent souvent la Cabale comme centre de leurs pratiques et de leurs enseignements, recopiant, en les complétant, le matériel légué par leurs prédécesseurs de la Renaissance. Les Carrés magiques, les Noms de puissances aux consonances bien hébraïques, les écritures magiques, les Cercles cérémoniels dérivent presque tous des oeuvres de la Kabbale chrétienne telle que répandue par Agrippa ou Ficin.

Nous brosserons tout d’abord un court historique de la Cabale chrétienne, ensuite nous donnerons quelques éléments quant à l’alphabet hébreux comme source des talismans. Nous décrirons ensuite quelques talismans issus des clavicules de Salomon et d’autres grimoires avant d’analyser l’origine des 72 Génies de la Cabale. Ensuite, nous dirons quelques mots sur les Carrés magiques et nous terminerons enfin par quelques réflexions concernant le Rituel Mineur du Pentagramme et ses sources juives.

Ne pouvant nier le rôle et la place de la Cabale chrétienne dans le domaine de l’ésotérisme moderne, nous allons donc tenter de donner quelques éléments de recherche pour ceux qui voudraient aller plus loin dans la compréhension de leur Art. Le matériel ici présenté provient des oeuvres de Piobb, Agrippa, Ficin mais également de Barrett (XIXe s).

Pour se qui relève des liens entre Kabbale et Cabale magique, le lecteur peut se référer aux articles suivants :











Spartakus FreeMann, Nadir de Libertalia, février 2006 e.v.
Revenir en haut Aller en bas
http://www.fishworld.com
Lp Boss
Admin
Admin
Lp Boss


Nombre de messages : 242
Age : 35
Localisation : Manoir de l'Imprononçable...
Date d'inscription : 04/04/2007

Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Empty
MessageSujet: Re: Théologie - La Cabale Magique Chrétienne   Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Icon_minitimeSam 7 Avr - 21:58


La Cabale chrétienne, petite histoire...


Le terme "cabale chrétienne" est assez confus dans l’esprit de nombreux étudiants dans les sciences hermétiques. Le terme de cabale déjà mérite que l’on s’y attarde quelque peu. La Kabbale - dans le sens traditionnel - est une branche de la mystique juive. La Kabbale, qui provient du mot hébreu qabal קבל, signifie en fait tradition et réception, et constitue un outil d’interprétation et de questionnement de la Torah (Ancien Testament). En ce sens, la Kabbale est une forme d’herméneutique. Selon les recherches actuelles, la Kabbale s’est fixée dans les formes que nous connaissons aux alentours du 12e siècle. La majorité des grands traités - Zohar, Sefer Yetsirah, Bahir - s’est fixée à cette époque également.

Nous utilisons ici le terme de Cabale lorsque nous parlons de la Cabale chrétienne ou hermétiste afin d’opérer une distinction purement textuelle. Le mot Cabale prend souvent dans l’hermétisme un sens à géométrie variable selon les traditions et les auteurs : parfois cabale s’entend des opérations purement magiques, parfois des oeuvres alchimiques, parfois enfin d’une forme de philosophie hermétique qui contiendrait toutes les autres formes doctrinales de l’Art. Il n’existe pas, en ce qui nous concerne, d’échelle de valeur entre la Kabbale et la Cabale, nous reprendrons plutôt les mots de Gershom Scholem qui définissait le rapport de la "Cabale chrétienne" à la "Kabbale juive" comme "malentendu productif". En effet, qui pourrait nier l’apport de la Cabale chrétienne dans le développement de la Philosophie Hermétique ?

Il faut à présent se poser la question de savoir quand la Kabbale, courant spéculatif juif, s’est transformée en Cabale chrétienne ou plutôt quand elle s’est christianisée. En fait, il semble bien, en l’état actuel des recherches, que la "récupération" pris place dans la période de la Renaissance, époque de bouleversements intellectuels qui vit les anciennes connaissances et religions remises aux goûts du jour.

La Cabale chrétienne vit le jour vers le 15e siècle avec l’humaniste Pico della Mirandola (Pic de la Mirandole) qui, captivé par les secrets des doctrines de la Kabbale, commença à étudier l’hébreu et le corpus littéraire de la Kabbale. Il tenta d’utiliser la Kabbale afin de soutenir les thèses chrétiennes, voire de prouver la vérité du Nouveau Testament par les procédés kabbalistiques. Pic de la Mirandole fut aidé dans son travail par un juif converti, Flavius Mithridates, qui traduisit plus de 3000 pages d’ouvrages hébreux.

"Ce n’est qu’à la fin du XIVe siècle que la kabbale point à l’horizon et que le ciel des kabbalistes attire la curiosité de certains savants médiévaux parmi les plus visionnaires. C’est Gémiste Pléthon, philosophe byzantin néo-païen et commentateur des oracles chaldaïques (19), qui aurait été le premier savant grec initié à la kabbale à Constantinople, vers 1380. Mais parmi tous ces intellectuels qui se feront initier à la mystique juive et à ses démons, c’est Pic de la Mirandole, initié dans les années 1480, qui illustre le mieux par son œuvre l’enthousiasme premier ressenti par les humanistes devant la juxtaposition des bibliothèques chaldaïque, médico-alchimique et rabbinique." - Claude Gagnon.

Dans son "Essai sur la Qabalah" le Docteur Christian Ginsburg, nous dit : "La Cabale est un système de philosophie religieuse, ou, plus proprement, de théosophie, qui a non seulement exercé pendant des milliers d’années une extraordinaire influence sur le développement mental du Juif, mais a captivé l’esprit des plus grands penseurs de la Chrétienté des XVIe et XVIIe siècles, doit attirer la plus grande attention des théologiens et des philosophes. Quand on ajoute que parmi ses admirateurs, il y eut Raymond Lulle, le célèbre métaphysicien scolastique et chimiste (mort en 1315) ; Jean Reuchlin, le scolastique renommé et résurrecteur de la littérature orientale en Europe (1455-1522) ; Jean Pic de la Mirandole, le fameux philosophe et scolastique classique (1463-1494) ; Henri Corneille Agrippa, le distingué philosophe et physicien (1486-1535) ; Jean Baptiste von Helmont, un remarquable physicien et philosophe (1574-1637) ; le Docteur Henry More (1614-1687)".

Pic soutenait que la Kabbale représentait une chaîne ininterrompue de la tradition orale qui fut révélée à Moïse sur le Mont Sinaï. Dans son "Oraison sur la Dignité de l’homme", il défendit cette notion en ajoutant que la Kabbale est implicite de la doctrine chrétienne. "Il n’existe aucune science qui nous certifie mieux la divinité du Christ que la magie et la Kabbale" nous déclare Pic dans ses "Conclusions". Par magie, Pic signifie, non seulement les arts hermétiques (alchimie, astrologie, divination, ...) mais aussi la physique, la chimie, l’astronomie, toutes sciences que son époque ne distinguait nullement de l’hermétisme. Esther Cohen nous dit à ce propos : "Pour le comte de la Mirandole, seule la magie cabalistique peut compléter et perfectionner la philosophie naturelle proposée par Ficin ; c’est seulement grâce à elle que la magie entendue comme copula mundi trouve sa dimension la plus profonde" ("Le Corps du Diable", éditions Léo Scheer, 2004). Ainsi naquit l’association intime de la Cabale chrétienne et de la magie, telle qu’elle sera remise en lumière par les occultistes du 19e siècle qui puisèrent dans les oeuvres de la Renaissance la source de leurs inspirations.

Mais, cette reformulation de la Kabbale dans un sens chrétien et hermétique porte en elle une recherche de la vérité, une quête visant à affirmer l’existence à la fois du christianisme comme volonté divine exprimée jusque dans l’Ancien Testament et comme tentative de redécouverte des connaissances dites hermétiques. Cette oeuvre de traduction et de reformulation inaugure ainsi une nouvelle manière de voir et de formuler le monde et d’appréhender la nature. Cette Cabale chrétienne est nouvelle aussi car "Pic ne travaille pas directement à partir de la Cabale juive, mais sur des traductions latines auxquelles il donne ses propres mots, créant tout un univers symbolique au centre duquel les religions se rejoignent ... il explore la cabale juive pour en faire autre chose, pour faire surgir de ses combinaisons et permutations complexes un espace discursif où, finalement, le judaïsme et le christianisme ne feraient plus qu’un." (Esther Cohen, Le Corps du diable).

La clé de la Cabale chrétienne réside donc principalement dans l’idée que la Kabbale, tradition orale de l’Ancien Testament, ne pouvait que prévoir l’avènement du christianisme : "Aucune science ne nous rend plus sûrs de la divinité du Christ que la magie et la Cabale" (Pic de la Mirandole, Neuvième Thèse, Neuf cents conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques, édition Allia, 1999) et dans ses Conclusions Magiques et Cabalistiques il ajoute : "par la lettre Shin, située au coeur du nom de Jésus, la Cabale nous signifie que le monde reposait parfaitement comme s’il était dans sa perfection, et comme Yod est unie à Vav, chose qui survint dans le Christ, qu’il fut le véritable fils de Dieu et de l’homme".

Et Pic de dédaigne pas utiliser les procédés propres à la Kabbale juive afin d’étayer ses propres thèses chrétiennes. En voici un exemple : "En reliant la troisième lettre, A, à la première lettre B, on obtient AB, Ab, le Père. Si, on double la première lettre B et qu’on ajoute la seconde R, cela donne BBR, Bebar, dans ou au travers du Fils. Si on lit toutes les lettres sauf la première, cela donne RAShITh, Rashith, le commencement. Si on relie la quatrième lettre, Sh, la première B et la dernière Th, cela donne ShBTh, Shkebeth, la fin ou le repos. Si on prend les trois premières lettres cela fait BRA, Bera, créé. Si l’on omet la première, les trois suivantes donnent RASh, Rash, tête. Si on omet les deux premières, les deux suivantes donnent ASh, Ash, feu. Si on prend la quatrième et la dernière, cela donne ShTh, Sheth, fondation. Si on met la deuxième lettre avant la première, cela donne RB, Rab, grand. Si après la troisième on place la cinquième et la quatrième, cela fait AISh, Aish, homme. Si aux deux premières lettres on joint les deux dernières, elles donnent BRITh, Berith, alliance. Et si la première est unie à la dernière, cela donne ThB, Theb, qui est parfois utilisé pour TVB, Thob, bon". En prenant l’ensemble de ces anagrammes mystiques dans l’ordre adéquat, Pic constitue la phrase suivante à partir du mot BRAShTh : Pater in filio (aut per filium) principium et finem (sive quietum) creavit caput, ignem, et fundamentum magni hominis foedere bono : "Au travers de son fils le Père a créé cette Tête qui est le commencement et la fin, le feu-vie et la fondation de l’homme Supernel (l’Adam Qadmon) par Son Alliance bénéfique". Et, enfin, Pic d’annoncer de manière péremptoire : "N’importe quel juif cabaliste, selon les principes et les affirmations de la science de la Cabale, est inévitablement amené à admettre la trinité et toute personne divine : Père, Fils et Saint-Esprit précisément, sans rien ajouter, déduire ni modifier, ce qui correspond à la foi catholique des chrétiens" (Pic, Conclusions Magiques et Cabalistiques, 5:82).

A cette époque, Yohanan Alemanno, un érudit juif et professeur de Pic, écrivit des ouvrages portant sur la science et la magie. Son oeuvre principale est la "Porte du Désir", un commentaire du Cantique des cantiques dans une optique chrétienne.

Les efforts de Pic de la Mirandole pour christianiser la Kabbale furent repris ensuite par Johannes Reuchlin (1455-1522) dont l’ouvrage "De Arte Cabalistica" supporte l’idée que l’Ancien Testament et la Kabbale contenaient les clés de la compréhension du christianisme et que la Kabbale permettait de découvrir l’annonce du Christ dans les lignes même de l’Ancien Testament. Reuchlin fut également un âpre défenseur des juifs et il s’opposa à la volonté des dominicains de Cologne de brûler les ouvrages en langue hébraïque. Johannes Reuchlin citera d’ailleurs intensivement le "Shaareï Orah" (Portes de la Lumière) de Gikatila - disciple du kabbaliste Abraham Aboulafia - afin de convaincre le Pape Léon X de ne pas confisquer et détruire les livres juifs.

Aux 16e et 17e siècles, les Cabalistes chrétiens, tels Agrippa von Nettesheim, Guillaume Postel et Robert Fludd, commencèrent à puiser dans les ouvrages mystiques juifs la source de la connaissance magique. Au sujet de Guillaume Postel, Valérie Neveu écrivait récemment : "On sait que le grand projet de sa vie (à Postel) a été la publication de l’œuvre centrale de la kabbale (i.e. le Zohar). Il en a réalisé deux traductions, à quinze ans d’écart » et cela montre, selon Neveu, « la place centrale qu’occupe cette œuvre dans la réflexion postellienne". Postel considérait l’hébreu comme la mère des langues latines et y cherchait ainsi la preuve de la validité du christianisme et de ses propres théories théologiques. Fludd dans sa "Philosophie Moïsiaque" fait des références directes au Bahir, un des ouvrages de la Kabbale les plus anciens, et opère des corrélations directes entre les principes de la Kabbale, de l’Hermétisme, de l’Alchimie et de la Magie.

Athanasius Kircher, érudit du 17e siècle, tenta de décrypter les hiéroglyphes égyptiens et décrivit au travers de diagrammes les influences de la Kabbale sur la connaissance. A la même époque, Knorr von Rosenroth traduisit une partie du Zohar dans sa Kabbalah Denudata qui fut également une source pour les créateurs de la Golden Dawn.
Revenir en haut Aller en bas
http://www.fishworld.com
Lp Boss
Admin
Admin
Lp Boss


Nombre de messages : 242
Age : 35
Localisation : Manoir de l'Imprononçable...
Date d'inscription : 04/04/2007

Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Empty
MessageSujet: Re: Théologie - La Cabale Magique Chrétienne   Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Icon_minitimeSam 7 Avr - 21:59

A la même époque, Paul Ricius, converti au catholicisme, médecin de l’Empereur Maximilien, érudit, publia un certain nombre d’ouvrages aux conclusions proches de celles de Pic de la Mirandole. Selon Ricius, l’histoire du monde peut être divisée en trois étapes réparties selon les Noms de Dieu aue l’on trouve dans la Bible. La première période, la "période naturelle", est celle durant laquelle Dieu se révèle par le Nom de Trois Lettres Shaddaî, שדי. La seconde période est la période la Torah pendant laquelle Dieu révèle à Moïse le Nom de Quatre Lettres, יהוה. La dernière période ou période de Rédemption, voit Dieu révéler le Tétragramme complété par le cinquième lettre Shin, ou lettre du Verbe, qui donne le nom de Jésus. Le Nom imprononçable de Dieu est alors vivifié par le Shin, le Verbe. Cette doctrine se rapproche de celle de Johachim de Fiore qui proposait le règne du Père, du Fils et du Saint Esprit. La place du Shin dans la doctrine de la Cabale chrétienne sera à nouveau développée dans les oeuvres de Papus, Lévi et autres occultistes du 19e siècle.

Ce sont Pic de la Mirandole et Reuchlin qui placèrent pour la première fois la Kabbale dans un contexte culturel et théologique chrétien, accentuant la place des Noms Divins, de la kabbale pratique au sein des spéculations premières de la Kabbale traditionnelle.

Le De Arte Cabalistica est écrit sous la forme d’une discussion entre un Cabaliste, un Pythagoricien et un Musulman. Reuchlin y décrit la Kabbale comme la source du christianisme, la Kabbale est une "forme sublimée d’alchimie". "La Cabale ne doit être recherchée ni au moyen du contact grossier des sens, ni avec les arguments des arts de la logique. Son fondement se situe dans la troisième région des connaissances" (De Arte Cabalistica, traduction François Secret, éditions Aubier-Montaigne, 1973). Reuchlin y explique également quelques concepts tels l’Arbre de Vie des 10 Sephiroth et des 22 sentiers de la sagesse, les 50 portes de l’intelligence, ... et propose la première distinction entre Cabalici (ceux qui reçurent les premiers la tradition), les Cabalaei (leurs disciples) et les Cabalistae (ceux qui les imitent). Reuchlin donne en outre une utile information quant au fameux Sepher Raziel qui fait couler tant d’encre chez les amateurs de kabbale fantastique : selon lui le Raziel est "une fiction magique".

A cette époque, parut l’oeuvre la plus influente dans le domaine magique et cabalistique, la "De Occulta Philosophia" de Cornelius Agrippa von Nettesheim (1531) en trois volumes (le" quatrième étant de paternité douteuse). La Philosophie Occulte se présentait comme une encyclopédie de cabale pratique et de magie.

François Secret a montré comment, à partir de cet ouvrage, « miroir déformant des œuvres qu’il pilla, la pente de décadence est longue jusqu’à l’occultisme d’Éliphas Lévi » (François Secret, « Du "De occulta philosophia" à l’occultisme du XIXe siècle », Revue de l’histoire des religions/ 186, 1974, p. 55-81.).

Ce sera au 17e siècle, avec les écrits de Jacob Boehme et de Knorr von Rosenroth que la Cabale chrétienne prendra définitivement un chemin différent de la Kabbale juive. Ainsi, l’essai de Knorr "Adam Kadmon" place la personnalité de Jésus Christ au centre la cosmogonie se différenciant ainsi de la Kabbale traditionnelle.

A partir de cette époque, la Cabale chrétienne se spécifiera, évoluant vers une doctrine mêlant l’alchimie, la magie cérémonielle, les spéculations théologiques et théurgiques gnostiques. Même si des emprunts à la Kabbale juive furent encore courants, la Cabale chrétienne cheminera, en interaction avec divers courants telles la Franc-Maçonnerie et la Théosophie, vers ce qui donnera naissance à l’occultisme du 19e siècle.

Comme l’écrit Mark Stavish : "alors que la renaissance occultiste européenne a ses origines en France avec les écrits d’Eliphas Lévi, ce n’est pas avant les années 1880 que ce mouvement deviendra une force sociale similaire au mouvement new-age contemporain, comprenant ses célébrités, ses galeries d’art, ses compositions mystiques de toutes sortes, ..." Voici d’ailleurs comment Lévi définissait la Cabale dans une lettre adressée à un étudiant : "La cabbale (Kabbale, cabale qabbal), ou science traditionnelle des Hébreux pourrait s’appeler les mathématiques de la pensée humaine. C’est l’algèbre de la Foi. Elle résout tous les problèmes de l’âme comme des équations, en dégageant les inconnues. Elle donne (La cabbale (Kabbale, cabale qabbal), aux idées la netteté et la rigoureuse exactitude des nombres ; ses résultats sont pour l’esprit l’infaillibilité (relative, toutefois, à la sphère des connaissances humaines) et la paix profonde pour le coeur."

"On s’aperçoit alors que l’occultisme moderne repose sur un contresens fondamental à propos de la tradition de la philosophie occulte, puisque cette expression désignait à la Renaissance, non pas une doctrine mystérieuse et cachée, mais l’ensemble des savoirs dont l’objectif était de dévoiler les « secrets de la nature ». L’amateur d’astrologie, d’alchimie ou de magie naturelle ne cherchait pas à s’enfermer dans le cercle d’un groupe d’initiés qui se seraient imaginé être les dépositaires d’une science exceptionnelle. Il voulait comprendre quelles sont les forces qui agissent de manière invisible dans les êtres naturels, en vue d’en acquérir une maîtrise qui lui permette de mieux vivre." (La rationalité de l’hermétisme. Bernard Joly. « La rationalité de l’hermétisme. ». Methodos, 3 (2003), Figures de l’irrationnel. http://methodos.revues.org/document106.html)

Au centre de ce mouvement, nous retrouvons Papus (Gérard Encausse), Augustin Chaboseau, Stanislas de Guaita, Sedir (Yvon Leloup), Joséphin Péladan qui seront à l’origine de divers systèmes initiatiques et magiques : l’Ordre martiniste, l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, ... Tous ordres teintés de Cabale chrétienne et faisant un usage intensif de la symbolique cabalistique.

A l’heure actuelle, il est difficile de trouver un ouvrage ne faisant référence à la Cabale, que ce soit sous sa forme magique ou théurgique, spéculative ou pratique. Les symboles de la Kabbale, dérivant par la Cabale chrétienne, sont jusque dans les livres et les rituels de la Wicca. Agrippa et les autres auteurs de la Cabale chrétienne voyant leurs oeuvres copiées de génération en génération, les talismans, formules, rosaires, presque tous influencés par la Kabbale, se retrouvent aujourd’hui dans tout bon livre dédié à la Magie.
Revenir en haut Aller en bas
http://www.fishworld.com
Lp Boss
Admin
Admin
Lp Boss


Nombre de messages : 242
Age : 35
Localisation : Manoir de l'Imprononçable...
Date d'inscription : 04/04/2007

Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Empty
MessageSujet: Re: Théologie - La Cabale Magique Chrétienne   Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Icon_minitimeSam 7 Avr - 22:00


Kabbale et Hermétisme.


Tout d’abord, il nous faut essayer de définir ce que l’on entend par Hermétisme. Tâche qui n’est pas facile, tout comme il n’est pas facile de définir la religion ou l’art. On peut, toutefois, tenter de dire que l’Hermétisme est la Tradition sapientiale de l’Occident, une tradition ésotérique qui ne se limite par aucune religion ou voie spirituelle et qui tente d’embrasser à la fois la théorie et la pratique des sciences naturelles. On inclut dans l’Hermétisme divers courants telle l’astrologie, l’alchimie, la Kabbale, la magie, mais on ne peut réduire le terme d’Hermétisme à une seule de ces composantes.

L’ésotérisme occidental peut doit se comprendre dans le sens académique et technique du terme, pas dans un sens populaire ou géographique. En tant que tel, il embrasse divers courants et traditions qui ont existé en Occident, mais qui ne sont pas tous occidentaux dans leur origine. Ainsi, l’ésotérisme occidental recouvre des mouvements comme la Kabbale qui n’est pas réductible à la seule Europe.

Ensuite, définissons brièvement la Kabbale comme la "tradition" mystique et magique du Judaïsme possédant ses propres règles, textes et rituels basés sur les enseignements exotériques de la Torah et du Talmud. Le terme de "Kabbale" désignant ce mouvement spirituel est apparu vers le 12e et le 13e siècle.

Depuis toujours, les cultes à mystères ont fasciné. Si, au départ, un certain type d’ésotérisme n’a appartenu qu’à la religion qui se chargeait de le conserver et de le transmettre au sein des cercles initiés des prêtres, il fut ensuite repris par des laïcs qui le préservèrent à leur tour au sein de groupes agissant en dehors de l’église. Selon René Guénon dans son "Roi du Monde", il y a une opposition fondamentale entre la royauté et le sacerdoce, toutes les anciennes civilisations possèdent l’idée de Roi du Monde représentant le législateur primordial du monde et caractérisé par la justice et la paix (qui sont deux notions de la Kabbale). Que ce Roi du Monde soit appelé Manou par les les Hindous, Mina ou Ménès par les Egyptiens, Mewn par les Celtes ou Minos par les Grecs, ce terme ne fait pas référence à une personne, mais à un principe à "l’intelligence cosmique qui reflète la pure lumière spirituelle et qui formule la loi ajustée aux conditions du monde ou du cycle d’existence actuel".

Avec la volonté de préserver la tradition sacrée, les chef de la hiérarchie initiatiques ont, par définition, un caractère sacerdotal ou pontifical, dans le sens de constructeur de pont entre les mondes, de médiateur de la communication entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Selon la vision de Guénon, l’équilibre doit s’obtenir en unissant les deux aspects complémentaires de l’autorité : la royauté et le sacerdoce. L’ésotérisme fut rejeté par l’Eglise et devint alors la "tradition royale" par opposition à la volonté sacerdotale de monopoliser la tradition.

Les étudiants de la sciences hermétique dans l’Occident du Moyen-Âge trouvèrent dans la tradition égyptienne, romaine et grecque la base de leurs études et l’écrin de la tradition occulte. Cette tradition avait également transitée par les juifs au travers du courant de la Kabbale, mais aussi au travers de l’Islam.

Le terme d’hermétisme dérive de Hermès Trismégiste, le Trois fois Grand, dont les Quinze Traités du Corpus Hermeticum furent la pierre de fondation de ce courant. Ces traités couvraient les domaines de l’astrologie, de l’alchimie, de la théosophie et de la théurgie.

Tout comme le Sepher ha-Zohar, attribué à Siméon bar Yochaï qui vécut au 2e siècle après J.C. et "redécouvert" par Moïse de Léon au 13e siècle, le Corpus Hermeticum fut redécouvert par l’Académie platonicienne de Florence au 15e siècle. Il fut traduit en latin et publié en 1463 sous la signature de Marcile Ficin.

Par l’utilisation de concepts bibliques, l’Hermétisme reconnaît ses sources juives. Il n’y a aucun doute qu’entre les Bneï Elohim (les Fils de Dieu) qui descendirent du Mont Hermon dans le Livre d’Enoch, ceux qui vinrent afin d’éduquer l’humanité dans le Livre des Jubilées, et Prométhée il y a un parallélisme évident. L’hermétisme pourrait donc prétendre à une origine grecque, mais, néanmoins, Hermès Trismégiste, dans son Corpus, nous dit : "les antique et divins livres nous enseignent que certains anges ressentirent une attirance soudaine pour les femmes. Ils descendirent sur terre et enseignèrent au hommes toutes les opérations de la nature. Ils opérèrent les premières oeuvres hermétiques et de celles-ci dérive cet Art". Les fragments bibliques dont tout cela dérive se trouve dans Genèse VI, 1-4 qui relate la descente de certains anges et qui représente une forme de seconde chute de l’homme.

Un fait encore plus intriguant est que les derniers représentants de cette race semi-humaine ne seront défaits par les juifs que lors de la conquête de Canaan. Ce qui perd les Fils de Dieu est leur concupiscence pour les femmes, mais dans la symbolique ésotérique, la "femme" est reliée à l’aspect féminin de la divinité, à la présence de Dieu sur Terre, à la Shekhinah. Dans cette perspective, on peut dire que les Fils de Dieu cherchèrent à s’emparer de la puissance divine. Si, dans le Livre Hébreu d’Enoch, les anges Uzza, Azza et Azziel transmettent à l’humanité l’Art magique afin que le peuple puisse attirer à lui les forces célestes et les utiliser, dans 1 Enoch (Livre éthipien d’Enoch), les Anges déchus sont des êtres démoniaques et dans 2 Enoch (Livre Slave d’Enoch), l’organisation hiérarchique des démons est déjà présente, sous la direction de Satanaël, qui fut chassé par Dieu des Cieux pour avoir voulu placer son trône plus haut que les nuages afin d’obtenir un pouvoir égal à celui de Dieu.

Ainsi, les Néphilim possédaient et transmirent à l’humanité les secrets célestes. Voilà pourquoi dans 1 Enoch nous lisons que, bien qu’ils vécurent dans les cieux, les Gardiens eurent accès aux mystères divins, et le secret qu’ils révélèrent aux femmes auraient ainsi perverti ces secrets, causant de nombreux malheurs sur la terre. L’idée d’un accès possible aux mystères divins continue ainsi à faire rêver et à fasciner l’humanité et elle a offert la base à la tradition hermétique que l’Hermétisme a essayé de préserver.

Bien sûr, entre le moment où le Corpus Hermeticum fut écrit et le moment où il fut redécouvert, de nouveaux éléments de l’ésotérisme hébreu, néoplatonicien, gnostique et chrétien émergèrent en Europe, à la fois localement et importé du Moyen-Orient. Aux 8e et 9e siècles, alors que Bagdad était un centre intellectuel d’importance, de nombreuses oeuvres gnostiques et néoplatoniciennes atteignirent l’Espagne au travers de l’Emirat de Cordoue, traduits de l’arabe en latin dans les universités de Saragosse et de Grenade. Par une ironie du sort, certains aspects de cet ésotérisme, ayant été bannis d’Europe en tant qu’hérésies, conservées par divers groupes, refirent leur apparition avec une force accrue. Il y a, par exemple, des indices qui prouvent que l’ésotérisme gnostique, banni d’Europe, fut adopté par les bogomiles, les arianistes et les érudits arabes qui le réintroduirent en Europe au travers des Cathares et des des Maures d’Espagne. "Ce n’est qu’à la fin du XIVe siècle que la kabbale point à l’horizon et que le ciel des kabbalistes attire la curiosité de certains savants médiévaux parmi les plus visionnaires. C’est Gémiste Pléthon, philosophe byzantin néo-païen et commentateur des oracles chaldaïques (19), qui aurait été le premier savant grec initié à la kabbale à Constantinople, vers 1380. Mais parmi tous ces intellectuels qui se feront initier à la mystique juive et à ses démons, c’est Pic de la Mirandole, initié dans les années 1480, qui illustre le mieux par son œuvre l’enthousiasme premier ressenti par les humanistes devant la juxtaposition des bibliothèques chaldaïque, médico-alchimique et rabbinique. Mais pour comprendre l’œuvre de Pico, il faut préalablement relier celle-ci à celle de Marsile Ficin sur l’alchimie" (Claude Gagnon, "Alchimie, magie et kabbale au 16e siècle").

Notons, avec Mark Stavish, que cette période sombre de l’humanité correspond à une période où la conscience humaine prit place en Europe où malgré l’ignorance et l’intolérance du nord, l’Espagne connaissait une renaissance spirituelle au sein grâce à ouverture d’esprit et à la tolérance des arabes. Tandis que les chrétiens et les musulmans se battaient pour le contrôle spirituel et politique de la région, les intellectuels juifs s’élevèrent jusqu’à une position de pouvoir et d’influence au sein de l’empire arabe. Ainsi, l’âge d’or du judaïsme médiéval prit place dans l’Espagne occupée par les arabes. C’est à cette période qu’apparaissent le Zohar et le Sefer Yetsirah qui formeront la base de toutes les spéculations kabbalistiques. C’est à partir de l’Espagne que les connaissances de l’Alchimie, de la Magie Rituelle et de la Kabbale se répandront en Europe. Ces trois écoles constitueront alors la base de la Philosophie Hermétique et de ses pratiques. Cette influence se répercutera d’ailleurs jusque dans les Manifestes Rose-Croix du 17e siècle. Raymond Lulle, Arnaud de Villeneuve et Nicolas Flamel reçurent leurs initiations dans les Sciences hermétiques, dont la Kabbale fait partie, en Espagne et ils les répandirent ensuite dans le reste de l’Europe.

La Kabbale se christianisera par la suite au contact de mystiques qui cherchaient à préserver les écrits juifs mis en danger par l’Inquisition. Pour cette raison, la Cabale chrétienne se développera tout au long du 15e siècle avec pour but d’harmoniser la Kabbale avec les doctrines chrétiennes. Les écrits des juifs convertis d’Espagne participèrent également au développement futur de l’hermétisme par leur influence sur les écoles florentines. Cette école développait la croyance en l’existence indiscutable d’une source antique du christianisme, validé par le néo-platonisme, le pythagorisme, la pensée orphique et la Kabbale. Le principal fondateur de la Cabale chrétienne est Pic de la Mirandole (1463-1494) qui commença ses études kabbalistiques vers 1486 à l’âge de 23 ans grâce aux traductions et aux enseignements de Raymond Moncada, aussi connu sous le nom de Flavius Mithridates.

Les platoniciens chrétiens d’Allemagne, d’Italie et de France s’attachèrent rapidement à l’école de pensée de Pic.

Pour revenir à l’Hermétisme, il est bon de mentionner que les Pères de l’Eglise, qui n’hésitèrent jamais à utiliser les sources païennes afin de prouver les dogmes chrétiens, firent une utilisation intensive de cette littérature dans leurs écrits, acceptant ainsi la chronologie qui donnait Hermès Trismégiste comme contemporain de Moïse ! Comme résultat, les éléments empruntés au Corpus Hermeticum à partir des écrits juifs, et de la philosophie platonicienne, furent considérés, durant la Renaissance, comme une preuve qu’elle les avaient anticipé et précédé. La philosophie hermétique devint alors la principale tradition de la sagesse, identifiée avec la "sagesse des égyptiens" mentionnée dans l’Exode mais aussi dans le Timée de Platon. Avec d’autres textes portant sur l’astrologie, l’alchimie et la magie attribués à Hermès, le Corpus Hermeticum et le Sermon Parfait furent utilisés comme arme dans un essai de réhabiliter la magie comme voie spirituelle socialement acceptable au sein de l’occident chrétien. Si Hermès Trismégiste fut une figure historique approuvée par les Pères de l’Eglise et que ses écrits pouvaient être cités comme preuves des dogmes chrétiens, alors l’ensemble de la structure de l’hermétisme magique était légitimée. En fait, n’oublions pas que dans Matthieu 13:10-11, lorsque les disciples demandèrent à Jésus "pourquoi il parlait en paraboles", il leur répondit "car il vous est donné de savoir les mystères du royaume des cieux, mais à eux il n’est pas accordé". Le Christ semble pratiquer ici un ésotérisme sélectif - qui est naturel par la définition même de l’ésotérisme qui s’adresse à une élite d’initiés. Cependant, comme nous le savons, l’Eglise n’a jamais adoptée les vues de Jésus, préférant une Eglise pour tous. Sa réaction négative fut en proportion directe avec le mouvement pris par la tradition hermétique durant la Renaissance.
Revenir en haut Aller en bas
http://www.fishworld.com
Lp Boss
Admin
Admin
Lp Boss


Nombre de messages : 242
Age : 35
Localisation : Manoir de l'Imprononçable...
Date d'inscription : 04/04/2007

Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Empty
MessageSujet: Re: Théologie - La Cabale Magique Chrétienne   Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Icon_minitimeSam 7 Avr - 22:00


La Magie érotique.


Dans une analyse des mythes fondamentaux des diverses civilisations antiques, Julius Evola identifie le motif récurent d’un acte présentant un risque fondamental et une incertitude, et il découvre que dans tous ces actes l’interprétation d’un tel acte met en évidence l’émergence de deux conceptions opposées : la magie érotique et la religieuse. Du point de vue de la théologie, Adam a commis le péché capital et par conséquent ne pouvait plus accéder à l’Arbre de la Connaissance, protégé par le glaive du Chérubin. Mais dans une perspective magique, puisqu’Adam a réussi à toucher l’Arbre et connaissait par conséquent le secret, l’expérience doit être reproduite. La flamme ne meurt pas mais est "passée et purifiée dans la tradition secrète de l’Art Royal, qui dans certains textes hermétiques est exactement identifié avec la Magie. D’un autre côté, cependant, il est évident qu’une telle entreprise ne peut obtenir les bonnes grâces divines. L’implication négative suggère que l’Art Royal est un moyen de contraindre Dieu à participer à l’acte magique, une manière de forcer la main divine. Si Dieu ne répond pas à la prière, Il réagira certainement à la stimulation appropriée. Dans ce point de vue, les invocations démoniaques ne sont qu’une étape. Et dans cette perspective, le secret occulté dans l’Arbre du Bien et du Mal est que l’homme est l’égal des dieux célestes. C’est pourquoi la tradition hermétique désigne l’homme comme un dieu mortel. Il est par conséquent aisé de comprendre pourquoi l’Hermétisme étonna tant les hommes de la Renaissance.

Comme nous l’avons mentionné auparavant, l’opposition entre la magie et la religion n’empêche nullement l’existence, durant la période dont fait l’objet cette étude, d’une interrelation entre les deux plans, particulièrement matérialisée par les pratiques magiques des représentants de l’autorité religieuse. Mais même dans ces cas, nous avons bien évidemment affaire à des clercs qui ont une inclination philosophique certaine. Le passage en revue des personnalités qui l’adoptèrent (la magie) permet de remarquer que la magie infiltrait la chrétienté médiévale par la philosophie. Si l’astrologie et l’alchimie, héritières de la tradition hermétique, a pu émerger à nouveau en Europe occidentale, par le biais des écrits arabes, à partir du 11e siècle, et furent utilisées comme des "sciences naturelles", la magie ne fut jamais, quant à elle, officiellement adoptée jusqu’à l’époque où le Corpus Hermeticum fut traduit par le philosophe néoplatonicien Marcile Ficin au 15e siècle.

Un aspect important de l’évolution de la magie durant la Renaissance est sa relation directe avec l’érotisme. Michel de Certeau affirmait que l’érotisme avait émergé de la culture de la Renaissance en tant que produit de la nostalgie mystique de la disparition de Dieu en tant qu’unique objet d’amour. Au 13e siècle, tandis que la religion se démythologise, la mythification de l’amour semble s’accentuer. Ainsi, selon le postulat de Certeau, une transformation eut lieu de la foi vers l’érotisme. Ceci explique le développement du symbolisme de la femme durant la Renaissance. Ian Petru Couliano considère qu’un élément essentiel du rite érotique est l’occultation de l’amour, perçu, cependant comme un acte volontaire.

La tradition hermétique est basée sur l’interprétation d’un acte mentionné dans les écritures saintes juives, nous voulons parler de la chute d’Adam. Sous une perspective érotique, dans l’Hermétisme la relation entre le plan humain et la plan divin donne la connaissance et le pouvoir. A son tour le mysticisme juif part d’un triple acte érotique - Adam et Eve, Adam et Lilith/Serpent, Lilith/Serpent et Eve. Et au sein des préoccupations principales du mysticisme juif existe effectivement une relation érotique. Que ce soit l’interaction entre la Sefirah Tiphereth et la Sephirah Malkhuth, en tant qu’aspect respectivement mâle et femelle de la divinité, ou l’extrapolation de la relation entre le Tsaddik et la Shekhinah, toutes les expériences mystiques dans le judaïsme possèdent une parcelle érotique. Parmi les rituels kabbalistiques il existe un mariage entre Dieu et la Communauté d’Israël, en tant que Roi et Son Métatron, qui est célébré lors de la fête de Shavouoth, le 15e jour après la Pâques juive. Le célébration du Shabbath en tant que mariage sacré indique la source du rituel sabbatique de la magie, même si celui-ci correspond au royaume démoniaque. Ainsi, pour les adeptes de l’Hermétisme, la force primordiale a une nature femelle qui nous rappelle l’aspect de la divinité au sein du Judaïsme. De plus, la femme est perçue comme l’épouse de Dieu. A la fois dans l’Hermétisme et dans la Kabbale, les quatre éléments primordiaux sont le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre. Dans le processus hermétique des émanations de ces éléments, l’Eau est un principe féminin lunaire et passif du Feu qui est un principe actif et solaire, tout comme dans la Kabbale, Hokhmah, principe féminin, émane du principe mâle de Dieu qui est Kether.

Mais l’influence de l’ésotérisme de la Kabbale sur l’Hermétisme de la Renaissance est sans doute plus visible encore dans les rituels magiques eux-mêmes. Couliano, citant diverses sources, nous rappelle que "dans leurs pratiques magiques, les théurges font souvent utilisation de disque d’or (strophalos) gravé de signes mystiques et possédant un saphir en leur centre". Parmi les symboles magiques présents sur ce strophalos, celui constitué de deux demi-cercles et de la lettres grecque Iota rappelle aux chrétiens la croix de Moïse supportant le serpent d’airain (Nombres 21:9). L’apect le plus significatif est relié à ce que Coulianio appelle l’"émonomagie". La structure des royaumes démoniaques au sein de la Magie de la Renaissance révèle une imagination spectaculaire. Il n’y a aucun doute que ces royaumes comportent un mélange de notions des plus variées reprises de diverses mythologies, parmi lesquelles on peut facilement trouver le Judaïsme.

Les hiérarchies des êtres supra terrestres durant la période de la Renaissance se répartissaient de la manière suivante : les dieux super célestes, les âmes des étoiles ou dieux célestes, les archanges, les anges, les démons, les principautés, les héros, les princes et les âmes humaines désincarnées. Si les dieux, les âmes et les principautés proviennent d’autres sources, il est évident que celles des archanges, des anges, des démons, des héros et des princes proviennent du Judaïsme. Les archanges et les anges sont ceux décrits dans les écrits juifs et les Princes rappellent le Métatron d’Enoch ou Sar ha-Panim, Prince de la Face divine.

A la fois dans la Kabbale et dans l’Hermétisme de la Renaissance nous sommes en présence d’une vision négative de l’érotisme qui distrait l’homme de la voie pieuse. Même si le blâme porte sur les démons, en réalité cela se réfère à une attraction vers les pouvoirs divins inconnus considérés d’un point de vue sexuel. Dans chacun de ces cas, le but des exercices théurgiques est d’obtenir la connaissance du domaine démoniaque afin d’être capable de le contrôler.

Entre la Kabbale et l’Hermétisme existe cependant une différence fondamentale. Si, pour le kabbaliste le domaine du mal est important dans le processus du Tikkoun ou de la restauration bénéfique de l’intégrité divine, pour l’hermétiste, cette connaissance est nécessaire afin de conjurer les démons et les obliger à prendre part à l’acte magique dont la finalité n’est pas nécessairement bénéfique.
Revenir en haut Aller en bas
http://www.fishworld.com
Contenu sponsorisé





Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Empty
MessageSujet: Re: Théologie - La Cabale Magique Chrétienne   Théologie - La Cabale Magique Chrétienne Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Théologie - La Cabale Magique Chrétienne
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Théologie - Mercure
» Théologie - La doctrine manichéenne

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
L'Academie du Net :: Autres Arts & Disciplines :: Sciences & Mathématiques-
Sauter vers: